Une préoccupation ancienne, des recherches récentes

La cruauté envers les animaux se définit comme un comportement socialement inacceptable qui cause intentionnellement douleur, souffrance et détresse, voire entraîne la mort, selon Frank Ascione. Cette définition claire a permis aux recherches scientifiques de pouvoir progresser. 

Depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, le lien entre les violences faites aux animaux et celles faites aux humains a été étudié (1971), soulignant la corrélation entre cruautés faites aux animaux, comportement anti-social et actes criminels. 

En Europe (Angleterre, Finlande, Italie, Irlande, Suisse), les études sont beaucoup plus récentes. En France nous ne disposons d’aucune publication (sauf la thèse vétérinaire de Marine Fouquet et la synthèse bibliographique de Laurent Bègue de 2013) ni d’état des lieux de la maltraitance animale.

Une étude (Gelhorn et al., 2007) sur un large échantillon (N= 41571) « a montré que les personnes présentant des troubles des conduites ou des troubles de personnalité antisociale ont commis plus souvent que la population générale des actes de cruauté envers les animaux ».

Chez l’adulte, des recherches ont montré (sur de petits effectifs de délinquants) qu’une personne ayant des antécédents de maltraitance des animaux avait un risque de conduites anti-sociales 4 fois plus élevé (Gleyzer, 2002).)

 

Dans le cadre des violences domestiques, la corrélation entre une condamnation préalable pour maltraitance animale et des violences domestiques ou crimes est établie : 61% de ces personnes avaient déjà été arrêtées pour agression, 55% pour violence domestique, 20% pour violences sur policiers et 17% pour agressions sexuelles (Clarke et al.2008).

Dans une récente étude (Monsalve, 2017), 44% des personnes pédophiles et 68% des violeurs avaient commis des actes de cruauté sur des animaux (Simons et al. 2008), données confirmées par une étude du FBI (2016).

Lors de violence domestique, entre 41 et 57% des hommes avaient déjà maltraité l’animal domestique du foyer, surtout si leur femme et/ou enfants y étaient attachés, 17% quand l’agresseur au sein du couple est une femme (Febres et al., 2014).

 

Mieux comprendre les enfants qui maltraitent les animaux

Si la première étude sur l’association entre maltraitance animale et santé mentale des enfants date de 1971, la dernière synthèse, en 2018, s’intéresse principalement aux relations entre actes criminels, désordres psychiatriques et maltraitances/cruautés faites aux animaux de compagnie. 

Depuis 1987, le DSM-III-R (répertoire américain des affections psychiatriques) a, le premier, inclus la maltraitance animale comme symptôme du trouble des conduites. Depuis, les cruautés physiques à l’égard des animaux font partie des agressions aux personnes et animaux.

Divers outils ont été conçus pour obtenir des informations lors des interrogatoires des criminels ou du recueil des témoignages des victimes. Actuellement, aucune hypothèse n’a pu être validée sur les raisons pour lesquelles les enfants développent des actes de cruauté vis-à-vis des animaux, mais c’est clairement un marqueur retrouvé dans les profils des personnalités anti-sociales (Mac Donald, 2017). 

Une des rares études européennes, réalisée en Suisse, sur des adolescents de 13 à 16 ans, a montré que ceux qui avaient reconnu avoir maltraité un animal (une fois sur deux en présence d’adultes) avaient commis trois fois plus d’actes de délinquance grave (Lucia et Killias, 2011).

La cruauté sur animaux de la part d’enfants peut être un signal d’un comportement à risque, déviant, d’une initiation à un gang, une vengeance ou le moyen pour un enfant maltraité ou témoin de s’exprimer, de gérer ses émotions. De plus, l’exposition des enfants à la maltraitance animale a tendance à les rendre plus insensibles à toutes les formes de violence.

 

Tous ensemble pour prévenir les maltraitances domestiques et donner l’alerte

L’existence d’une maltraitance animale au sein du foyer place les autres victimes à de plus grands risques : 76 % de tentative d’étranglement, 26% de viols (in Ascione, 2018).

Les enfants, témoins de scènes d’agressions sur leur animal de compagnie, prennent souvent des risques pour tenter de le sauver, se mettant eux-mêmes en danger. 67% des enfants dont la mère a été battue disent avoir été témoins de violence sur leur animal (in Ascione, 2018). Les menaces pesant sur l’animal de compagnie sont un frein au départ de la personne battue.

 

La maltraitance animale au sein d’un foyer doit alerter tous les professionnels de santé, pour mettre en sécurité les victimes, l’animal y compris.

 

Principales références scientifiques

Au Royaume Uni, l’association de prévention de la cruauté faite aux enfants (la National Society for the Prevention of Cruelty to Children NSPCC) estime que 88% des enfants maltraités ont été directement témoins de violences domestiques, illustrant le lien entre les violences.

 

En France, la seule estimation des violences faites aux animaux dont on dispose est celle toute récente de l’étude menée par Laurent Bègue (étude Blitz 2019) auprès de plus de 12.000 adolescents avec 7% d’entre eux adolescents disant avoir fait mal ou blessé un animal volontairement (en présence d’un adulte dans 20% des cas). Un peu moins de 20% des adolescents dans cette étude ont reconnu avoir fait subir des brimades, parfois à plusieurs reprises, à leurs camarades. Le lien entre les deux formes de violence est établi dans cette étude.

 

Au niveau international, en Suisse, la prévalence des violences faites aux animaux par des adolescents est de 12% au sein d’une population étudiée de 3600 individus (Lucia, 2011), avec une forte corrélation pour ces adolescents à commettre des actes de vandalisme ou de violence. 

 

Dans la synthèse internationale établie par Monsalve, en 2017, cette prévalence des violences faites aux animaux par les enfants est de 8,8 à 30%. 

Toujours dans cette étude à partir d’études réalisées dans différents pays, la prévalence des violences faites aux animaux est de 25 à 68,7%. 29 à 61,5% des enfants sont témoins des violences faites aux animaux, 3 à 44%. Y participent. La prévalence d’avoir vu ou fait des violences aux animaux au cours de l’enfance est plus importante dans les foyers violents (11 à 37,5%) que dans les foyers non violents (1 à 11,8%). La prévalence des violences faites aux animaux au sein des foyers violents est rarement disponible, même si le taux de co-occurrence avec les violences familiales est de 25 à 86%.

Dans les centres d’accueil des femmes victimes de violence, la prévalence des menaces de violence (y compris menaces de mort) sur leur animal de compagnie est de 52,9 à 54%.

En résumé, il est établi qu’il existe :

  • Un lien entre l’exposition à des violences lors de l’enfance, commises notamment sur les animaux, et/ou les violences subies, et la présence de comportements violents à l’âge adulte ;
  • Un lien entre les violences conjugales et les violences ou menaces de violence contre l’animal de compagnie.
  • Chez les adolescents, des liens entre les violences faites aux animaux et les comportements violents (vandalisme) ou ceux exercés envers d’autres adolescents.