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Actualités scientifiques Décembre 2022

La fin d’année est très riche en publications scientifiques, vétérinaires ou pas. Les freins identifiés pour ces derniers sont toujours les mêmes, y compris dans les pays anglo-saxons (nord-américains) où la sensibilisation a été plus précoce : un manque cruel de formations (quelques heures ne suffisent pas) et une croyance très limitante sur la mission des vétérinaires, qui doivent récolter des éléments pour permettre aux policiers et juges d’identifier les coupables, cette action n’étant pas du ressort des vétérinaires.

Le rôle essentiel des praticiens vétérinaires

Au Canada, une synthèse[1] a montré que des formations avec des jeux de rôles et des scenari fournissent aux praticiens, en rurale comme en animaux de compagnie, la confiance nécessaire pour signaler les faits (une obligation légale dans 9 provinces sur 10). L’enquête réalisée[2] par l’équipe d’Emily Patterson-Kane de l’ASCPA de New-York auprès de 1027 professionnels (dont 460 vétérinaires et 391 techniciens vétérinaires) publiée dans le JAVMA (revue scientifique vétérinaire), montre une prévalence d’un cas dans la carrière (pour 77 %) contre un cas dans les 12 derniers mois (pour 33 %). Les vétérinaires travaillant aux urgences ou en refuges sont en première ligne et tous réclament des formations en médecine légale. 

D’autant que trois récentes publications montrent que la police (au Royaume-Uni[3] et à Taïwan[4]) réquisitionne les vétérinaires et confie les prélèvements réalisés par leurs soins lors des autopsies à des laboratoires de police scientifique, afin d’identifier les coupables réels. Ainsi les renards ou les chiens, à Londres ou à Taïwan, sont les prédateurs confirmés des chats errants (et non des humains, même si certains chats à Londres ont d’abord été victimes d’accidents sur la voie publique avant d’être mutilés post-mortem par des renards). Les services de la police scientifique identifient l’ADN voire l’ADN mitochondrial prélevé en marge des plaies constatées sur les victimes animales ou en profondeur lors de suspicions de zoophilie, les auteurs pouvant alors être confondus lorsqu’ils sont déjà connus des autorités judiciaires. C’est ainsi qu’un prévenu a été condamné à 30 mois d’emprisonnement pour actes zoophiles sur 12 poulets, décédés des suites de ces actes ayant provoqué de la douleur, une rupture du cloaque et un état de choc. 

[1]WILL DD, WHITING TL., « Animal protection reporting requirements of Canadian veterinarians: Example case », Can Vet J., 2022, 63(3):301-306.

[2] PATTERSON-KANE EG, et al., « Veterinary needs for animal cruelty recognition and response in the United States center on training and workplace policies », J Am Vet Med Assoc. 2022, 1-9, DOI : 10.2460/javma.22.02.0084.

[3] HULL KD, et al., « Fox (Vulpes vulpes) involvement identified in a series of cat carcass mutilations », Vet Pathol. 2022, 59(2):299-309, DOI: 10.1177/03009858211052661.

BLUNDELL RJ, RICHARDS-RIOS P. « The Forensic Pathology of the Sexual Abuse of a Group of Chickens », J Comp Pathol. 2022 ,199:75-80, DOI : 10.1016/j.jcpa.2022.09.010. 

[4] HSIOU CL, et al., « Forensic Death Investigations of Dog Bite Injuries in 31 Cats », Animals (Basel). 2022, 12(18):240, DOI 10.3390/ani12182404. 

L’animal comme otage du conjoint violent

Une équipe canadienne a conduit une enquête en ligne dans une province très rurale, avec un taux de violences conjugales deux fois plus élevé qu’ailleurs (655 victimes pour 100.000). 176 habitants ont répondu, vivant en ville, en zone rurale (21 %) ou dans le nord du territoire (8 %), très isolé avec un taux de violences et de meurtres plus élevé. Toutes connaissaient des personnes maltraitées, et 42,3 % avec des animaux subissant le même sort au foyer. La très grande majorité (92,6 %) était consciente du Lien (When animals are abused, people are at risk.When people are abused, animals are at risk). Les amis, voisins et la famille ont souvent porté assistance aux survivant.e.s des maltraitances en hébergeant temporairement les animaux (18,8 % des animaux de compagnie, 1,6 % des animaux de ferme), notamment en l’absence de services sociaux ou unités dédiées à cette problématique. De nombreux témoignages attestent de la réalité de ces violences faites aux animaux, de compagnie ou de rente, dans le but de terroriser ou faire mal à la femme et aux enfants. Les chats, et particulièrement les chatons, paient un lourd tribut, plus facilement tués ou frappés par les conjoints violents devant leurs femme et enfants. « Le conjoint violent frappait les chats quand il était en colère contre elle. » Une autre personne témoigne : « J’avais aussi une amie…dont le partenaire tuait ses chats. » Pour les femmes d’éleveurs de bovins ou de chevaux, quitter leur conjoint c’est prendre le risque de perdre leurs revenus/autonomie financière et que les animaux soient victimes de négligence. Lorsque les chevaux, par exemple, sont en copropriété, c’est encore plus délicat et aucun foyer d’hébergement ne peut les prendre en charge. C’est là où les proches, famille ou amis, peuvent souvent porter secours à toutes celles qui, pour survivre, s’enfuient. Les auteurs concluent leur étude en recommandant d’augmenter le nombre de centres d’hébergement pouvant accueillir les animaux de compagnie avec les femmes et enfants. 

https://pathssk.org/wp-content/uploads/2022/07/2022-VAW-Animal-IPV-Survivor-Survey-website.pdf

GIESBRECHT CJ., « Intimate Partner Violence, Animal Maltreatment, and Animal Safekeeping: Findings From a Public Survey », J Interpers Violence, 2022, 37(21-22):NP21422-NP21437, DOI : 10.1177/08862605211056899. 

GIESBRECHT CJ., « Animal Safekeeping in Situations of Intimate Partner Violence: Experiences of Human Service and Animal Welfare Professionals », J Interpers Violence, 2022, 37(17-18):NP16931-NP16960, DOI : 10.1177/08862605211025037. 

Entendre la parole des survivantes

La même équipe a interviewé des survivantes de violences conjugales, qui n’avaient pas été prises en charge dans des centres d’hébergement. Ces femmes vivaient en ville ou à la campagne, avaient des animaux de compagnie ou de rente, qui étaient souvent leur seule source de réconfort et soutien. Les femmes ayant répondu ont rempli l’échelle de traitement des animaux par leur partenaire, donnant une évaluation des maltraitances, avec 5 rubriques : menaces de s’en prendre à l’animal, négligence physique de l’animal, violence émotionnelle, violence physique et violence physique grave. Cinquante-neuf femmes et un homme, de 23 à 66 ans, ont répondu au questionnaire en ligne. L’immense majorité avait des animaux de compagnie (96,7 %) et 18,3 % des animaux de rente (dont 91 % des chevaux). Tous les animaux n’étaient pas maltraités (24 versus 33 où les animaux l’étaient). En moyenne, les victimes avaient tenté 5 fois de partir avant que de réussir et seule la moitié avait porté plainte.  Pour   celles ayant des animaux de rente, 27,3% ont été freinées par la crainte de négligence sur leurs bêtes.  Le comportement des victimes/survivantes est significativement modifié, selon que leur animal est également maltraité (cherchant de l’aide pour lui, osant parfois déclarer les maltraitances qu’il subit, tout en étant conscientes des risques). Lorsque les victimes avaient des enfants (58,3 %), dans un tiers des cas, les enfants ont vu leur père maltraiter leur animal et 2 ont vu leur animal tuer sous leurs yeux. « Il a battu un veau si fort qu’il est mort le lendemain de ses blessures. Je savais que c’était un message pour moi, qu’il pouvait me tuer quand il le voulait. » Une femme raconte comment son chien « est devenu protecteur de l’autre chienne, victime d’une blessure par balle, invalidante, et réagissait agressivement quand d’autres personnes étaient près d’elle. » D’autres précisent « la peur de leurs animaux vis-à-vis de leur partenaire, comme un chiot qui faisait pipi lorsque le mari était proche ou des chiens qui devenaient agressifs pour tenter de protéger la victime. » 

GIESBRECHT CJ. « Intimate Partner Violence, Animal Maltreatment, and Concern for Animal Safekeeping: A Survey of Survivors Who Owned Pets and Livestock », Violence Against Women, 2022, 28(10):2334-2358, DOI : 10.1177/10778012211034215.